Le Surveillant

(Nouvelles. 1ère éd., Montréal, Quinze, 1982 : 3.000 ex; 2e éd., Montréal, Poche Leméac, 1986, 5.000 ex.; 3e éd., Préface de Jean-Pierre Boucher, Bibliothèque québécoise, 1995, 2.000 ex.; 4e éd. BQ, 2013, 10e mille)

Ce recueil de dix nouvelles essaie de tirer les diverses conséquences qui surviennent quand la Loi (incarnée par la pression sociale) fragilise les individus et les vide de leur conscience pour les transformer en suiveurs et en robots. Le résultat est souvent drôle, mais toujours pitoyable. Ces nouvelles font le procès de certaines activités irréfléchies des êtres humains que le discours social a tendance à valoriser ou à prendre pour acquis, que ce soit au travail ou en vacances, dans les rapports de couple, de famille ou de groupe. Elles en montrent les ratés et le fond de vacuité. Elles remettent en question les habitudes, dénoncent la conformité qui étouffe et détruit, pourfendent l’inconscience et la rigidité inhumaine ainsi que tout ce qui cherche à aliéner la liberté intérieure. Ces nouvelles visent à sensibiliser les lecteurs à un certain absurde social dans l’espoir de rendre la société plus humaine et de faire gagner du temps.

Prix Adrienne-Choquette 1981 (Canada)
Prix France-Québec 1983 (France)
Livre du mois, Revue Nos livres (Québec), mars 1983
Finaliste au Prix du Gouverneur général du Canada 1982
Traduction anglaise par Matt Cohen. The Secret Voice.  Toronto: Porcupine's Quill, 1990. Prix de Traduction John-Glassco 1990, Assoc. des Traducteurs littéraires du Canada.

Plusieurs nouvelles de ce recueil font partie d’anthologies en français et en langues étrangères, dont en iPad (2013).
Plusieurs ont aussi fait l’objet d’adaptations à la scène et à la radio.
Ce recueil a inspiré la formation d'un groupe musical du Manitoba au Canada: Les Surveillantes. http://www.lessurveillantes.com/ 

Lire un extrait du recueil

Ce que la critique en pense

"Gaëtan Brulotte est de ces auteurs qui ont participé de façon significative à l'histoire récente de la nouvelle québécoise (...). Le Surveillant passe pour un recueil emblématique, qui a contribué à donner une formidable impulsion au genre..." Francine Bordeleau, Lettres québécoises 87 (1997), 14.

"C'est assurément Le Surveillant de Gaëtan Brulotte qui marque le pas (...) ce recueil (...) consacre une rupture et annonce le ton, l'orientation que prendra le genre dans l'avenir. Avec une minutie presque maniaque, Brulotte débusque l'absurde, les faux-semblants, voire l'aspect totalitaire que dissimulent les automatismes de façade, les antagonismes sociaux, les rapports hiérarchiques. Ses personnages illustrent bien ce qu'on pourrait appeler, pour reprendre le titre de Freud, une "psychopathologie de la vie quotidienne". Cependant Le Surveillant raconte moins des histoires qu'il ne dépeint des états, Brulotte n'est plus seulement dans la fiction mais dans la métafiction, et ses textes semblent réfléchir sur le processus même de l'écriture..." Marie Caron, Lettres québécoises, 2000, p. 39.

"C'est pourquoi on pourrait conclure que l'absurde «tranquille» de Gaëtan Brulotte n'est tranquille qu'en apparence. Il exprime au fond les inquiétudes de l'écrivain postmoderne et relance sous une forme nouvelle et dans un langage «minimaliste et dépouillé» (J.-P. Boucher), teinté d'ironie et d'humour, l'interrogation sur le sens dans sa double hypostase : sens de l'existence, sens de l'écriture. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que Brulotte a publié en 2003 un essai sur l'écriture intitulé La Chambre des lucidités.  Comme si, à l'instar de Kafka, il avait voulu suggérer qu'écrire signifie, avant toute chose, "dégager la clarté cachée".
Gyurcsik,  Margareta. "Kafka de Montréal." XYZ (Montreal) 96 (Winter 2008): 65-79.

"La lecture des dix nouvelles rassemblées dans Le Surveillant témoigne de la finesse et de l'importance des techniques d'écriture révélées par les fonctions et procédés littéraires présents dans l'ouverture et la clausule de chacune des nouvelles. Ces techniques apparaissent comme étant le fonctionnement minutieux d'engrenages venant tour à tour séduire, convaincre et solliciter un lecteur auquel Brulotte semble accorder beaucoup d'importance. Ce souci auctorial que l'on a pu remarquer se manifeste en deux temps. D'une part, les ouvertures de chacune des nouvelles invitent le lecteur à entrer rapidement dans un monde qui lui semble familier par le biais de la dramatisation immédiate et par le haptisme - procédé cher à l'auteur - en créant une certaine mimésis. D'autre part, nous réalisons que les clausules fortement accentuées ne correspondent pas souvent aux fins plus conservatrices des récits de cette période. Avec Brulotte, peu de fins en guillotine, car en choisissant de bouder la chute, l'auteur a réussi à bouleverser les habitudes des lecteurs de nouvelles et à ainsi repousser l'horizon d'attente de ces derniers." Bérubé, Estelle. Le surveillant : ouvertures et clausules [suivi de ] Attentes. MA thesis, McGill University, 2003. Pour accéder au texte complet cliquer ici. 

"Certaines des nouvelles du recueil de Brulotte sont peut-être à compter parmi les meilleurs textes publiés au Québec en 1982, simples, sobres, pourvus d'une sorte d'intelligence de l'émotion originale et riche." René Lapierre, Liberté, avril 1983.

"...un recueil de dix nouvelles d'une rare qualité. [...] une parfaite maîtrise du genre de la nouvelle. [...] Thématique universelle inspirée de petits faits quotidiens, mais non anodins; sens aigu de l'ironie qui feint de ne pas prendre partie pour ou contre mais s'installe au centre même du discours; habileté dans la construction du texte; intelligence de l'écriture d'une limpidité suspecte, tout fait de ce recueil de nouvelles une grande réussite. [...] Le Surveillant est un livre à la fois drôle et grave, chargé de références et d'échos modernes, qui nous dévoile avec sobriété, à peine un frémissement, l'envers dramatique du monde contemporain. " Noël Audet, "L'intelligence de l'écriture", Le Devoir, 18 Déc. 1982, 23.

"Je n'avais pas lu l'Emprise. J'ai donc le plaisir, un peu tardif, de saluer aujourd'hui un écrivain, un vrai, qui sait écrire et qui sait raconter, qui se promène avec une aisance remarquable dans toutes les espèces d'absurde qui composent notre monde. [...] On rit parfois en lisant Gaétan Brulotte. Ce n'est jamais d'un rire franc. Car les situations, même les plus fantaisistes, dans lesquelles il plonge ses personnages ressemblent par trop de traits à celles que nous vivons tous les jours pour que nous n'en éprouvions pas quelque malaise. Les choses pourraient vraiment se passer comme il les raconte." Gilles Marcotte, L'Actualité, avril 1983, 118.

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